Pour son livre ‘Ce qui reste de candeur’
Ce qui reste de candeur est d’abord l’ancrage de l’humain dans la noire tourmente d’un témoin protégé, si peu protégé… C’est une ambiance, poignante, servie par une écriture acérée, sèche, qui ne négocie rien.
Thierry Brun, dans ce roman tant attendu, montre combien il maîtrise l’art d’aligner tous les poncifs et de les tordre un par un. Thomas est installé dans un rôle et très tôt on sait qu’il est voué à mourir. Et chaque pas qu’il fait est une avancée vers cette issue. Et pourtant, en même temps, chaque étape franchie laisse entrevoir un peu de lumière, à laquelle s’accrocher pour continuer à vivre, malgré tout.
Entretien
Pourquoi tant de temps pour nous revenir après Les Rapaces ?
Dans une enfance, on peut être confronté aux violences physiques et à la mort de proches, et, ces épisodes, en partie occultés, peuvent s’imposer si un évènement vient bouleverser votre quotidien.
Une tempête a failli emporter maison, auto, famille alors que je résidais à Caunes Minervois. Candeur est né à cette période.
J’ai ressenti une urgence. Tout est parti de ce souvenir qui a ressurgi.
Dans la forme, Candeur, est différent des précédents romans. Il marque une étape dans la relation avec l’écriture Elle s’est imposée, sans concession.
Thomas vient de l’araméen « Te’oma » qui veut dire « Jumeau ». Thomas, c’est le prénom dans mon premier roman Surhumain paru aux éditions Plon. Je n’en avais pas fini avec lui, il est revenu dès que j’ai commencé Ce qui reste de candeur, même s’il ne s’appelle pas Asano.
Pour Candeur, une évidence s’est imposée, ce personnage ne serait pas totalement fictif. Ce qu’il ressent, son passé, son mental brisé par ce qu’il a vécu, (même si je ne l’évoque pas dans les détails- c’était le cas dans une première version, mais ça devenait un roman dans le roman) tout m’appartenait.
Thomas est sur le fil du rasoir, capable d’un discours raisonnable mais il répond aussi à ses pulsions en niant les conséquences, et il a aussi une capacité à la soumission, à supporter la coercition, avec un réel besoin d’éprouver son corps et son esprit pour trouver un équilibre. Il se sent proche des cabossés de la vie, qui souffrent de troubles et ont une vie chaotique. Pour toutes ces raisons, le manuscrit devait être accepté dans sa totalité et son étrangeté par un éditeur aussi fou que lui.

Dans votre roman, on sent que l’intrigue est comme un alibi pour dresser une ambiance, noire, dure, mais qui serait elle-même la justification de Ce qui reste de candeur ?
L’intrigue arrive en miroir. Elle existe mais sera balayée. Il y a plus fort qu’elle. Prenez une famille qui se dispute, on en vient au moment où tout va péter, et, à ce moment, un ouragan emporte le toit de la maison. Les antagonismes, les calculs sont toujours là, trouveront un développement peut-être plus tard, parce que à ce moment il y a beaucoup plus urgent à traiter.
Dans Candeur, l’intrigue éclaire le joug que subissent les hommes, ce que ça fait d’eux comme parents, amants, amis, quel que soit leurs milieux professionnels ou sociaux, du mécano au militaire, des traumatismes, visibles ou non, engendrés d’une génération à une autres, des choix de vie, assumés ou abandonnés, de la violence des hommes, des formes d’amours et de violences possibles, et au cœur de tout ça, de ce que les humains gardent de candeur au fond d’eux pour ne pas perdre totalement pied.
Mais il était important que ces matériaux ne servent pas un thriller avec toutes les ficelles du genre, en rajoutant dans la tension ou le gore, en transformant des troubles et des crises en actes sociopathes. Le pire de l’homme jaillit des émotions, pas de savants calculs tarabiscotés d’êtres à l’enfance meurtrie. Dans la démarche Candeur parlerait du pire mais en ne sortant jamais de l’ordinaire. On peut tuer par amour, ça n’excuse rien, mais ce genre d’acte fou bouleverse des familles, le cercle plus ou moins proche, collègues, amis, ennemis et antagonistes. On ne sait exactement jusqu’où vont les répercussions.
J’ignore si ça donne une justification au roman. Mais, oui c’est une ambiance noire. Il y a de l’espoir, aussi. Puisque certains survivent et tombent en amour de façon saine.